“La femme reçoit, l'homme donne.”
“Les femmes sont naturellement passives, les hommes actifs et bâtisseurs.”
Ces mantras, répétés dans les livres de développement personnel, les formations en entreprise et même certains courants thérapeutiques, prétendent décrire des “énergies” fondamentalement différentes entre les sexes.
Problème : la science des 20 dernières années pulvérise ces croyances.
Et ça commence dès l'enfance.
Le grand narratif des “énergies genrées”
Partout, on nous vend la même histoire :
il existerait une “essence féminine” naturellement réceptive, intuitive, centrée sur l'être plutôt que le faire.
Face à elle, une “essence masculine” conquérante, rationnelle, orientée vers l'action et la construction.
Cette vision essentialiste imprègne tout : coaching, spiritualité, management, éducation.
Selon cette logique, les petites filles devraient spontanément manifester plus de passivité, d'attente, de réceptivité.
Les petits garçons devraient naturellement montrer plus d'initiative, de prise de risque, d'élan vers l'action.
Sauf que les chercheurs en psychologie développementale ont décidé de tester cette théorie.
Spoiler : elle ne tient pas la route.
Ce que révèlent les études sur la prise de risque
L'initiative : même combat chez tous les enfants
L'étude massive de Vial et Cimpian sur 492 enfants américains de 5 à 10 ans assène une vérité dérangeante pour les tenants des “énergies” :
Aucune différence d'intérêt pour le leadership entre filles et garçons.
Les petites filles ne sont pas naturellement dans l'attente ou la réception.
Elles veulent diriger, décider, mener des projets autant que leurs camarades masculins.
L'énergie d'initiative est identique, quel que soit le sexe.
Plus troublant encore : quand des différences apparaissent plus tard, elles ne correspondent pas au schéma attendu.
Dans certains groupes, ce sont les filles qui maintiennent leur intérêt pour le leadership tandis que les garçons le perdent.
La prise de risque : le mythe de l'audace masculine
La méta-analyse de Byrnes, qui compile 150 études, devrait faire trembler tous les gourous des “énergies genrées” :
Avant 7 ans, zéro différence significative de prise de risque entre filles et garçons.
Les études en réalité virtuelle de Morrongiello confirment : face à des environnements incertains ou dangereux, petites filles et petits garçons réagissent de manière quasi-identique.
- Pas d'élan “naturellement” masculin vers le risque,
- Pas de retenue “naturellement” féminine.
Cette supposée “énergie masculine” de conquête et d'audace ?
Introuvable chez les enfants qui n'ont pas encore été conditionnés par les attentes sociales.
Le passage à l'action : là où ça se complique
Ici, les recherches révèlent la seule différence consistante, mais elle ne va pas dans le sens attendu.
Les filles de 3-4 ans montrent une meilleure autorégulation comportementale que les garçons.
Traduction : elles sont meilleures pour contrôler leurs impulsions et planifier leurs actions.
Si “énergie” il y a, c'est plutôt une énergie d'action maîtrisée chez les filles versus une énergie d'action brouillonne chez les garçons.
Où est passée la supposée passivité féminine naturelle ?
La vraie origine des différences : la prophétie auto-réalisatrice
Parents : sculpteurs inconscients des “énergies”
Les recherches de Morrongiello et Hogg révèlent le mécanisme qui crée artificiellement ces fameuses “énergies” :
Dès les premiers mois, les parents projettent leurs croyances sur leurs enfants.
Face au même comportement exploratoire, les mères réagissent différemment selon le sexe de l'enfant.
Elles encouragent implicitement la prise de risque chez les garçons (“les garçons seront toujours des garçons”) et la découragent chez les filles.
Résultat : ce qu'on prend pour de l'énergie masculine innée est en fait du conditionnement parental précoce.
La mécanique de la différenciation artificielle
Endendijk et son équipe ont disséqué ce processus. Les parents forment des attentes stéréotypées immédiatement après avoir appris le sexe de leur enfant. Ces attentes se traduisent par des milliers de micro-interactions quotidiennes :
- Encourager l'exploration chez les garçons, la prudence chez les filles
- Valoriser l'assertivité masculine, la compliance féminine
- Offrir des jouets “actifs” aux garçons, “relationnels” aux filles
À force de répétition, ces attentes façonnent littéralement des comportements différents qu'on prendra ensuite pour des “énergies” naturelles.
Le cerveau confirme : pas d'essence genrée
Les influences biologiques : un impact minimal
Les recherches d'Auyeung et Baron-Cohen sur la testostérone prénatale montrent des effets mesurables mais faibles sur les préférences comportementales.
L'influence hormonale explique moins de 5% des différences observées.
Les études d'imagerie cérébrale de Gilmore révèlent des différences structurelles dès la naissance, mais elles ne prédisent aucun comportement spécifique avant 5-6 ans.
Pas de circuit neuronal de l'énergie féminine passive ou de l'énergie masculine active.
La plasticité contre les essences figées
Kaczkurkin résume brutalement :
“Le cerveau des enfants est extraordinairement plastique.
L'environnement social sculpte l'architecture neuronale bien plus que les prédispositions initiales.”
Translation : il n'existe pas d'essence féminine ou masculine câblée dans le cerveau. Ce sont nos interactions sociales qui créent ces patterns.
L'évolution chronologique : de l'égalité à la fabrication des différences
0-2 ans : l'égalité pure
À cet âge, aucune différence comportementale entre filles et garçons.
Même énergie exploratoire, même curiosité, même élan vers l'action.
Les capacités motrices, cognitives et sociales se développent de manière identique.
Si énergies genrées il y avait, c'est à ce moment qu'elles devraient se manifester.
Pourtant, elles brillent par leur absence.
3-4 ans : les premiers formatages
C'est l'âge où émergent les premières différences subtiles : autorégulation légèrement supérieure chez les filles, tolérance au risque naissante chez les garçons.
Mais ces différences sont statistiquement faibles et correspondent exactement aux attentes parentales différenciées.
5-6 ans : la prophétie accomplie
Les trajectoires divergent vraiment.
Les filles deviennent plus prudentes, plus conformes.
Les garçons plus téméraires, plus impulsifs.
Les adultes triomphent : “Vous voyez bien qu'ils sont différents !”
Sauf que ces différences ne révèlent aucune essence innée.
Elles prouvent l'efficacité redoutable du conditionnement social précoce.
Les preuves trans-culturelles : le coup de grâce
L'étude de Rey-Guerra sur 226 980 enfants dans 71 pays achève de démolir le mythe des énergies genrées.
Les différences entre filles et garçons varient énormément selon les cultures.
Dans certaines sociétés, les filles sont plus “actives” que les garçons.
Dans d'autres, l'inverse.
Si ces énergies étaient biologiquement déterminées, elles seraient universelles.
Elles ne le sont pas.
Cette variabilité culturelle prouve définitivement que ce qu'on prend pour des essences naturelles sont en fait des constructions sociales variables.
Ce que ça change pour notre vision du monde
Fin des justifications biologiques
Impossible désormais de justifier les inégalités ou les stéréotypes par de prétendues “énergies” naturelles.
Les recherches établissent que garçons et filles naissent avec les mêmes potentiels d'action, d'initiative, de prise de risque.
Responsabilité de l'environnement social
Si les différences sont socialement construites, nous en sommes collectivement responsables.
Chaque interaction, chaque encouragement différentiel, chaque attente genrée participe à la fabrication artificielle de ces supposées “énergies”.
Potentiel de changement
La bonne nouvelle : ce qui est construit peut être déconstruit.
Les études d'intervention de Bigler et Liben montrent qu'un environnement neutre au genre permet aux enfants de développer leurs capacités naturelles, indépendamment des stéréotypes.
Le message des enfants : nous sommes tous pareils
King et son équipe, dans leur revue systématique de 2021, tirent la conclusion qui devrait faire réfléchir tous les adeptes des “énergies genrées” : “Les différences de genre chez les jeunes enfants sont principalement le produit de processus de socialisation, pas de prédispositions biologiques.”
Les enfants nous montrent la voie : avant qu'on les formate, ils sont tous identiquement curieux, entreprenants, actifs. Il n'y a pas d'énergie féminine passive face à une énergie masculine active. Il y a juste des êtres humains en devenir, que nous orientons selon nos croyances.
La science est formelle : nos enfants naissent libres de ces carcans énergétiques genrés. C'est nous, adultes, qui les leur imposons.
Peut-être est-il temps d'arrêter.
Références principales
Byrnes, J. P., Miller, D. C., & Schafer, W. D. (1999). Gender differences in risk taking: A meta-analysis. Psychological Bulletin, 125(3), 367-383.
Morrongiello, B. A., & Hogg, K. (2004). Mothers' reactions to children misbehaving in ways that can lead to injury: implications for gender differences in children's risk taking and injuries. Sex Roles, 50(1-2), 103-118.
Vial, A. C., & Cimpian, A. (2024). Gender differences in children's reasoning about and motivation to pursue leadership roles. Sex Roles, 90(3), 145-162.
Endendijk, J. J., Groeneveld, M. G., Bakermans-Kranenburg, M. J., & Mesman, J. (2016). Gender-differentiated parenting revisited: Meta-analysis reveals very few differences in parental control of boys and girls. PLOS ONE, 11(7), e0159193.
Auyeung, B., Baron-Cohen, S., Ashwin, E., Knickmeyer, R., Taylor, K., Hackett, G., & Hines, M. (2009). Fetal testosterone predicts sexually differentiated childhood behavior in girls and in boys. Psychological Science, 20(2), 144-148.
King, T. L., Scovelle, A. J., Meehl, A., Milner, A. J., & Priest, N. (2021). Gender stereotypes and biases in early childhood: A systematic review. Australasian Journal of Early Childhood, 46(2), 112-130.
Rey-Guerra, C., Yousafzai, A. K., & Dearing, E. (2024). Gender similarities and differences in early childhood development in low- and middle-income countries. International Journal of Behavioral Development, 48(1), 45-58.
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Alexis Faure
Spécialiste en Restructuration Émotionnelle & Comportementale
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🌀 Reconstruction intérieure.
🌀 TCC • PNL • EFT • SDN.
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