Dans une société obsédée par l'image de soi, la notion d'amour de soi est devenue omniprésente.
Tu la vois sur les affiches de pub, dans les livres de développement personnel, et surtout… sur les réseaux sociaux.
Hashtags à l'appui : #selflove, #mefirst, #bodypositive, #queenenergy.
Mais derrière cette façade lumineuse, une confusion majeure s'installe :
Faut-il t'aimer toi-même ou t'adorer au point de ne plus voir l'autre ?
Entre amour de soi authentique et amour de soi égotique, la ligne est mince mais cruciale.
Ce qu'on confond souvent : “se choisir” n'est pas “s'idolâtrer”
- T'aimer ne veut pas dire te mettre au-dessus des autres.
- T'aimer ne veut pas dire ne jamais te remettre en question.
- T'aimer ne veut pas dire te prendre pour une déesse/dieu intouchable qui mérite tout… sans jamais rien offrir en retour.
- L'amour de soi sain est une relation intérieure stable et lucide.
- L'amour de soi égotique, c'est une mise en scène pour combler un vide.
Amour de soi sain VS amour de soi Narcissisé
T'aimer sainement | T'aimer égotiquement (version Instagram) |
---|---|
Estime de soi ancrée intérieurement | Validation externe permanente |
Lucidité sur tes forces et tes limites | Idéalisation, déni de tes failles |
Actions fondées sur le respect de toi | Actions fondées sur la mise en avant |
Relation équilibrée à l'autre | Besoin que l'autre reflète ta “valeur” |
Présence réelle, discrète | Visibilité exacerbée, performance de soi |
Humilité et capacité à évoluer | Défense rigide du faux self, intouchabilité |
Exemples concrets dans la vraie vie (hors réseaux)
Amour de soi sain :
Julia a refusé une soirée entre amis car elle sentait qu'elle avait besoin de repos. Pas de justification excessive, pas de peur de “manquer quelque chose”. Juste une écoute honnête de ses besoins internes.
David, en couple depuis 8 ans, fait une thérapie pour mieux comprendre ses mécanismes de protection. Il reconnaît ses failles sans se flageller, et sans attendre que l'autre le “répare”.
Sonia ose poser des limites claires à son entourage, même si cela déplaît. Elle ne le fait pas pour affirmer son pouvoir, mais pour respecter son équilibre.
Amour de soi égotique :
Thomas interrompt sans cesse ses amis pour ramener les conversations à lui. Il s'aime “beaucoup”, dit-il — mais ne s'écoute jamais vraiment. Ni lui, ni les autres.
Claire poste des citations sur l'amour de soi, l'abondance et la puissance féminine… mais culpabilise en silence dès qu'elle est seule, car le vide intérieur refait surface.
Nina quitte toute relation dès qu'elle est confrontée à une critique ou un inconfort. “Je me choisis”, affirme-t-elle. En réalité, elle fuit toute remise en question.
Exemples avec les réseaux sociaux
T'aimer sainement en ligne :
-
Paul utilise Instagram pour partager des tranches de vie sans filtre, y compris ses doutes ou ses erreurs. Il n'est pas dans une mise en scène permanente. Il peut disparaître plusieurs jours sans se justifier.
-
Amandine publie un post après avoir traversé une période difficile, non pour récolter des “bravo”, mais pour offrir une parole vraie qui pourrait aider d'autres personnes.
-
Julien supprime régulièrement l'appli quand il sent qu'il devient dépendant du regard des autres. Son bien-être passe avant sa visibilité.
T'aimer égotiquement en ligne :
-
Chloé publie 10 stories par jour où elle répète à quel point elle se sent “empowered”, mais espère être vue par sa “communauté” afin de se sentir validée.
-
Kevin se montre torse nu à la salle tous les jours avec des légendes spirituelles sur “l'amour de soi”, mais “harcèle” ses ex en privé dès qu'il se sent ignoré.
-
Sandra organise son voyage à Bali autour de spots “Instagrammables”, pas pour l'expérience, mais pour le contenu. Elle vit pour la vitrine, pas pour l'instant.
Pourquoi cette confusion est toxique
Parce qu'elle entretient une illusion :
L'illusion qu'il suffit de te prendre en photo ou de te répéter que tu t'aimes pour guérir tes blessures.
Mais ce type d'amour de soi, s'il n'est pas enraciné, devient un nouveau masque.
Un faux self qui étouffe tout ce qui n'est pas “instagrammable” : la tristesse, la honte, la dépendance affective, la culpabilité.
Or, t'aimer vraiment, c'est aussi accueillir ces zones d'ombre sans les rejeter.
C'est dire :
Je ne suis pas toujours au top. Mais je mérite quand même amour et respect.
Je suis en chemin. Et je n'ai pas besoin de le prouver.
Je peux briller… sans écraser.
Comment savoir où tu en es ?
Tu peux démarrer par ces 5 questions simples :
- Est-ce que tu t'accordes du temps sans te montrer ?
- Est-ce que tu peux te sentir valable même quand personne ne te regarde ?
- Est-ce que tu écoutes tes besoins profonds, ou est-ce que tu les étouffes sous des “mantras positifs” ?
- Est-ce que tu fuis toute critique ou remise en question ?
- Est-ce que tes publications sont là pour inspirer… ou pour combler un vide ?
Vers un amour de soi plus vrai, plus profond
L'amour de soi n'est pas un pic Instagram.
C'est un chemin. Parfois inconfortable.
Un chemin qui passe par la lucidité, par la confrontation à tes propres blessures, par le lâcher prise sur l'image.
Tu peux publier des selfies et t'aimer sainement.
Mais si l'image devient la seule preuve de ta valeur… c'est là que le piège se referme.
Conclusion
Il est temps de sortir de l'équation toxique “s'aimer = se montrer”.
T'aimer, c'est te respecter même dans l'ombre.
C'est te choisir, sans te fuir.
C'est pouvoir dire : “Je suis imparfait(e), mais entier(e).”
Et ne plus avoir besoin que le monde entier le valide.